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« Je crois que Marseille est incurable à jamais. »

    Les éditions du Chien rouge publient enfin un auteur vivant ! Plus pour longtemps pourrait prophétiser une Cassandre de l’immobilier. Car après Jacques Vaché ou Jacques Mesrine, Bruno le Dantec, le délicieux directeur du mensuel mordant CQFD vient de publier : La ville-sans-nom, un livre témoignage sur Marseille qui recueille les paroles de ceux qui l’assassinent. On l’avait connu sous le nom de Nicolas Arraitz pour l’incunable  Tendre venin. Il a repris son nom breton, lui le Marius de la Plaine.

   Rien d’exhaustif comme l’ouvrage passionnant d’ Alessi dell’ Umbria , Histoire universelle de Marseille sorti chez Agone l’année dernière mais quelque chose de plus léger, une attaque en piqué plutôt que le bombardement du précèdent.

   Vous n’aurez plus besoin d’acheter le Guide du routard en descendant du TGV pour visiter Marseille insolite car avec B.Le Dantec tout y est mais c’est le Marseille des luttes qui est raconté, à commencer par la lutte dans le quartier République vendu au fond de pension Lone Star qui s’inscrit dans  le projet Euro méditerranée.

   L’auteur nous fait partager un peu de sa jeunesse tumultueuse dans une ville d’avant le TGV, avant qu’il prenne le large lui aussi et que revenant, il s’aperçoive que sa ville est devenue à la mode, à la mode des riches. Et ceux-là vous l’accommodent en multipliant les prix des loyers par dix, en vendant le parc immobilier à ces boîtes comme Kaufman and Broad, investisseurs immobiliers de la pire engeance qui vendent de l’appartement comme d’autres vendaient du savon.

   C’est que Marseille a ça de particulier que les pauvres vivent dedans. Certes nombreux s’entassent à Saint Antoine, Frais Vallon dans des tours avec vues sur mer mais bien d’autres sont encore les rois de l’hyper centre. « Vive le couscous clan » comme proclame un graffiti rapporté dans le livre. Et si certains reprochent à la ville d’être devenue Alger, Constantine, Rabat, ce sont les mêmes qui lui reprochaient d’être Barcelone, Naples ou Aubenas. Pour d’autres c’est un dépaysement savoureux que de trouver un resto guinéen proposant un mafé, des vieux Chibanis assis à la queue la leu jouissant de l’ombre à Belsunce, des vendeurs de pizza du Magreb à Noailles et des chinois courant après l’eldorado français.

    Mais ce sont ceux qui depuis trois siècles veulent nettoyer Marseille qu’a épinglé Bruno Le Dantec, les intendants du Roi, les Gaston Deferre, les Jean-Claude Gaudin, ceux que la ville a adopté parfois mais qui rêvent de l’assainir pour l’intérêt privé, un bien pauvre intérêt au regard de la richesse de cette ville portuaire et populaire.

    Notre auteur dont on reconnaît la plume journalistique sait rappeler les grandes batailles du peuple contre son élite comme l’élimination radicale du quartier de la mairie par un dynamitage allemand correspondant aux visées anciennes de la mairie. Il y a parfois une continuité dans la politique comme il existe une résistance populaire de Lille à Marseille tel que le chante Le Ministère des affaires Populaires.[1]

 

 

Christophe Goby.

 

 

Le Dantec, Bruno, La Ville-sans-nom, Marseille dans la bouche de ceux qui l’assassinent. Ed Le chien Rouge 2007. 7 euros


1] M.A.P, Debout la dedans.

Publié dans la librairie

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